Mémorandum

Quel sera la role des hôpitaux académiques dans le système de santé de demain?

Des défis majeurs sont posés, en Belgique, en termes d’organisation des soins de santé. Les hôpitaux doivent constituer des réseaux et collaborer. Concomitamment, les besoins évoluent dans notre société : la population vieillit, la mortalité immédiate est réduite dans certaines pathologies, ce qui induit leur chronicité. Des concepts innovants comme la médecine individualisée, le diagnostic moléculaire et de nouveaux modèles de prise en charge se répandent. La capacité de financement du système de soins de santé est mise en question. Tenant compte de ce contexte, il est urgent de soutenir les démarches prônant une approche globale, multidisciplinaire et intégrée. Le séjour hospitalier devient une étape sur le trajet de soins, souvent technique spécialisée. Le challenge est complexe : comment atteindre le meilleur équilibre entre efficience, soins de qualité et accessibilité de ceux-ci pour tous ? Une piste importante à suivre pour atteindre cet objectif réside dans le recours à la recherche et à l’évidence scientifique, recours également essentiel dans le domaine de l’amélioration de la qualité des soins et au niveau de la prise de décision politique.

Dans ce cadre évolutif, une place importante doit être réservée à la médecine universitaire. Les hôpitaux universitaires ont, jusqu’à aujourd’hui, toujours fourni une contribution importante au développement de la connaissance scientifique, à sa déclinaison en pratique, à sa traduction dans les domaines de l’enseignement et de la formation continue du personnel médical, constituant un pont essentiel entre recherche fondamentale et clinique. Les hôpitaux universitaires sont reconnus pour délivrer des informations vérifiées et donc crédibles en matière d’innovations dans les soins, de nouvelles technologies et à propos de toute avancée scientifique.

La question qui se pose est donc la suivante : comment les pouvoirs publics vont- ils soutenir les hôpitaux universitaires pour remplir un rôle majeur ?

Quel est ce rôle ?

1) Nos hôpitaux universitaires sont étroitement impliqués dans l’acquisition de nouvelles
connaissances et le développement de nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques.

Par ailleurs, de nombreuses techniques ont été mises au point dans des hôpitaux universitaires et sont maintenant utilisées partout dans le monde. La continuité et les interrelations étroites entre la recherche fondamentale et les applications cliniques facilitent l’implémentation rapide et efficace des connaissances dans la pratique de terrain. Le médecin, actif à la fois en recherche et en clinique, est reconnu par la communauté scientifique internationale, publie dans des journaux scientifiques internationaux soumettant ses travaux à la critique de pairs tout en oeuvrant au bénéfice de patients belges. Les hôpitaux universitaires constituent des viviers pour ces praticiens qui, par leur approche duelle mais complémentaire, contribuent au progrès des soins de santé dans notre pays.
D’autres domaines de recherche dans lesquels les hôpitaux universitaires sont très impliqués et souvent précurseurs incluent celle dénommée clinique translationnelle ou personnalisée, permettant de choisir ou d’adapter les traitements en fonction de certains biomarqueurs, caractéristiques génétiques (par analyse génomique) ou profils pathologiques des patients. Un autre exemple est l’intelligence artificielle qui permet de stimuler l’intérêt du patient pour la gestion de son affection mais également d’améliorer la qualité des soins et la communication entre professionnels de santé. Avant d’introduire l’usage puis de généraliser l’utilisation de telles applications, il est nécessaire d’en vérifier l’efficacité et la sécurité.
Compte tenu de la maîtrise des méthodes de recherche dans les hôpitaux académiques, ceux-ci constituent des laboratoires d’essai idéaux et ils souhaitent continuer à remplir une fonction de catalyseur dans ce domaine particulier de la médecine après avoir tenu un rôle de leader lors du projet initial.

2) La formation des jeunes, mais également la post-formation des anciens quelle que soit leur discipline (médecine, soins infirmiers, domaines paramédicaux ou technologiques, psychologie, …) sont primordiales. Elles ne sont pas réservées aux hôpitaux universitaires mais les parcours doivent être structurés et efficients. En ce qui concerne les candidats spécialistes en médecine, leurs facultés sont et resteront étroitement impliquées pour assurer la coordination et préciser le contenu des stages. Les hôpitaux unversitaires avec lesquels ces facultés sont liées garantissent, du fait de leur plus grande indépendance et de leur environnement scientifique, l’adéquation de cette gestion de l’enseignement, sa qualité et son uniformité.

3) Les hôpitaux universitaires sont naturellement impliqués dans la structuration et la définition des activités médicales de référence et des programmes de soins au niveau des troisièmes lignes de prise en charge liées à des programmes de recherche ou impliquant le recours à des approches diagnostiques ou thérapeutiques très pointues et spécialisées, reposant sur l’expertise d’une équipe interdisciplinaire ou exigeant la mise à disposition d’une infrastructure particulière dont l’équipement est généralement très onéreux. Les analyses génétiques, le diagnostic moléculaire, l’immunothérapie, les préparations de cellules souches imposent également le respect de normes contraignantes. La liste d’exemples reprend, entre autres, les maladies rares, la transplantation, les programmes tertiaires, hématologiques et oncologiques pédiatriques. Il s’agit de missions suprarégionales qui doivent idéalement être concentrées dans les hôpitaux universitaires naturellement orientés vers la recherche et le développement. En ce qui concerne les activités de seconde ligne de soins, lorsque la poursuite d’un travail de recherche, d’analyse ou d’investigation est envisagée, le rôle de

support et de suivi des services universitaires est également essentiel. La pratique de cette activité de seconde ligne est par ailleurs également nécessaire pour assurer une formation complète aux jeunes médecins.

4) Il existe en Belgique un certain nombre d’institutions qui fournissent un travail d’analyse et de soutien à la politique en matière de soins de santé comme le Conseil Supérieur de la Santé, le Comité Consultatif de Bio-Ethique, la Commission d’Agrément, la Commission de Planification, le KCE et l’ensemble des Sociétés Scientifiques Nationales. L’aide fournie par les hôpitaux académiques à ces structures pour leur permettre de fonctionner adéquatement, surtout en matière d’expertise, est très importante continue et reconnue. Il convient de pérenniser celle-ci. Les hôpitaux universitaires ont, comme partout dans le monde, une fonction cruciale à assumer au niveau de la société, celle-ci est bien plus que simplement économique.

Les hôpitaux universitaires ont besoin d’un soutien financier adéquat pour leur permettre de continuer, dans l’avenir, à remplir leur rôle en termes de développements techniques, d’innovation, d’enseignement et de recherche, de tenir leur engagement vis à vis de la société belge. Compte tenu du sous-financement structurel, l’enseignement et la recherche sont, en Belgique, au sein des hôpitaux universitaires, en partie financés par les honoraires médicaux et de soins, c’est également le cas dans des centres académiques à l’étranger. Une nouvelle augmentation de la pression financière et l’imposition de contraintes économiques supplémentaires comporteraient des risques. Les capacités d’enseignement et de recherche se verraient inévitablement impactées par une logique purement économique. Un sous-financement persistant de la recherche et de l’enseignement pourrait également induire une perte d’indépendance dans ces domaines. Les hôpitaux universitaires doivent pouvoir délivrer des messages et informations claires, critiques et libres de toute influence en ce qui concerne les innovations dans le secteur des soins de santé, les nouvelles technologies et le progrès scientifique. Au vu de l’insécurité financière, le risque est élevé d’assister au départ de médecins et de chercheurs de talent vers d’autres horizons pour réaliser leur carrière académique.
Pour que les hôpitaux universitaires puissent continuer à accomplir leurs engagements vis-à-vis du public, il est nécessaire d’augmenter substantiellement le budget qui leur est alloué via le B7 ou un autre canal.

Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, une prise de position claire sur le financement des hôpitaux académiques, dans un paysage hospitalier très mouvant, est demandée.

Notre questionnement et nos recommandations sont adressés tant aux gouvernements fédéral que régionaux et communautaires. Les thèmes abordés dans cette note sont cruciaux pour assurer le maintien, dans l’avenir, en Belgique, de soins de santé de qualité et performants.

L’accent doit être impérativement mis au cours des 5 prochaines années sur le soutien à la recherche, dont la pratique est l’un des atouts propres aux hôpitaux universitaires.