lettre ouverte, l’Echo 30 avril 2014

Veut-on encore de soins de pointe en Belgique ?

Le sous-financement des hôpitaux académiques met en péril la qualité de nos soins de santé. Rares sont ceux qui réalisent l’importance de l’interaction entre la recherche scientifique, les soins aux patients et l’enseignement au sein de nos hôpitaux académiques.  C’est pourquoi ceux-ci lancent un appel aux responsables politiques.

 

La Belgique compte sept hôpitaux académiques. Tous sont nés d’une collaboration entre une faculté de médecine offrant un cursus complet et un hôpital. Ces collaborations uniques constituent la réponse au défi sociétal majeur qu’est la recherche de solutions face aux problèmes médicaux complexes. Les hôpitaux académiques jouent un rôle déterminant dans la mise au point de traitements innovants car ils permettent la combinaison unique de soins de pointe, de recherche et de formation au chevet du patient. C’est dans ces hôpitaux que la recherche, alliée à une expertise unique, se transforme en une offre de soins d’excellence au bénéfice du patient.

Concrètement

Dans les hôpitaux académiques, la recherche est axée sur le patient et sur les soins. La plus grande partie de la recherche dite « clinique » est la déclinaison, au chevet du patient, des connaissances nées de la recherche fondamentale. Le développement de vaccins thérapeutiques, la thérapie cellulaire dendritique pour traiter le cancer de la peau, la conservation d’organes en vue d’une transplantation, n’en sont que quelques exemples. Dans plusieurs domaines, nos médecins-chercheurs belges font d’ailleurs partie de l’élite scientifique mondiale. C’est au cœur des hôpitaux académiques que les patients atteints d’affections graves et complexes, qui n’ont souvent plus nulle part où aller, peuvent compter sur les meilleurs soins !

Les hôpitaux académiques offrent un environnement unique pour la formation des médecins spécialistes de demain. Ils s’y familiarisent au quotidien avec les soins issus des dernières recherches.  Ceci souligne une fois encore le rôle sociétal capital des hôpitaux académiques. Les médecins spécialistes en formation aujourd’hui seront en effet en charge demain des soins dans tous les hôpitaux du pays, qu’ils soient académiques ou généraux.

A quel prix?

Les hôpitaux académiques perçoivent un financement spécifique pour leurs fonctions de recherche et d’enseignement. En 2013, celui-ci a atteint la somme globale de 139 millions d’euros pour les sept hôpitaux académiques. C’est peu ! A titre de comparaison, le financement additionnel perçu par les huit hôpitaux universitaires des Pays-Bas, dont l’activité est comparable à nos sept hôpitaux académiques belges, a atteint 720 millions d’euros en 2012 !

Notre pays consacre 10,4 % du PNB aux soins de santé. Le financement de ceux-ci est mis sous pression constante ces dernières années par une limitation des dépenses, d’une part, et une compression des coûts, d’autre part. La crise financière a davantage accentué cette pression : elle a  conduit les sept hôpitaux académiques à contribuer aux diverses mesures d’économie à concurrence de 100 millions d’euros au cours des trois dernières années. Rien qu’en 2013, les économies globales se montent à 53 millions d’euros ! De par leur statut spécifique, les hôpitaux académiques sont par conséquent plus lourdement impactés par les mesures d’économies que les hôpitaux généraux.

“Notre société doit réaliser que l’interaction unique entre la recherche, la formation et les soins est à la source de nombreux traitements prometteurs.”

Le sous-financement chronique des missions fondamentales des hôpitaux académiques met sous pression la fonction universitaire, moteur des soins de santé de notre pays. Voulons-nous réellement poursuivre l’investissement dans de nouveaux traitements prometteurs ? A défaut de lieux où recherche, enseignement et soins de pointe peuvent interagir, c’est l’ensemble du développement de nouveaux traitements prometteurs qui est mis en péril, et ce au détriment des patients les plus vulnérables. Pourtant, à l’échelle de la société, ce sont précisément les nouvelles connaissances et les thérapies innovantes qui, en prolongeant la santé et l’espérance de vie d’une population toujours plus active,  contribueront à générer de nouvelles économies.

Nouveau modèle

Vieillissement de la population, évolutions technologiques, augmentation des pathologies chroniques, maintien de l’accessibilité financière aux soins de santé ne sont que quelques-uns des défis auxquels font face les sept hôpitaux académiques belges et ce dans un contexte de moyens limités.  C’est pour cette raison qu’ils veulent promouvoir et collaborer activement à une réorganisation des soins de santé et à leur mode de financement. Rendre l’organisation des soins de santé plus efficiente ne se fera pas uniquement par une réponse économique. La réflexion doit être menée en tenant compte du rôle sociétal des hôpitaux académiques ! C’est donc la société toute entière qui est invitée à se mobiliser autour de la cause de ses hôpitaux académiques. Les réformes devront être ambitieuses et réunir un nombre important d’acteurs autour de la table. À défaut, la poursuite du  sous-financement des hôpitaux académiques risquera d’hypothéquer lourdement leurs missions fondamentales et c’est le patient qui en fera les frais.

Appuyés par les facultés de médecine, nous lançons un appel aux responsables politiques afin qu’ils libèrent davantage de moyens pour le financement de leurs tâches fondamentales.

Nous voulons pouvoir continuer à offrir des soins de référence, à pratiquer la recherche, et à former les meilleurs spécialistes.  Ce sont là nos missions fondamentales : elles constituent la base des soins de santé dans notre pays et la garantie que les patients atteints d’affections complexes et graves puissent continuer à compter sur les meilleurs soins.

www.pasdesoinssansinnovation.be

Chantal De Boevere

La Conférence des Hôpitaux de Belgique

Pour le CU Saint-Luc, l’hôpital Erasme, CHU de Liège Sart-Tilman, L’UZ Leuven, L’UZA, l’UZ Gent, L’UZ Brussel et les Facultés de Médecine de Belgique